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mis à jour le 13 juillet 2015

Est-ce vrai qu’il faut uriner sur les piqûres de méduse pour les soulager ?

On entend souvent cette recette miracle, et on s’imagine tous en train d’essayer de l’appliquer sur la plage devant tout le monde. Mais est-ce vraiment efficace ?

Réponse : c’est faux, les venins des méduses étant variables selon les espèces, et il n’y a pas de méthode qui marche dans tous les cas, mais il est préférable de laver à l’eau de mer et d’appliquer ensuite une douche chaude sur la zone atteinte.

Les piqûres de méduses sont fréquentes sur les bords de mer à la saison chaude.

Leur venin peut entraîner des symptômes variables qui peuvent aller, selon les espèces, d’une simple douleur et réaction de la peau (rougeur, brûlure, cloques) , à des réactions générales de l’organisme et parfois des signes cardiovasculaires. (1)

Pour soulager les brûlures de la peau, il existe plusieurs « remèdes », parfois totalement opposés (chaud/froid, acide/base,…), qui se passent de bouche à oreille de baigneur, chacun prétendant avoir la seule solution qui marche (à condition d’avoir le « remède » à portée de main sur une plage…) :

  • frotter avec du sable
  • laver à l’eau de mer
  • laver à l’eau douce
  • asperger de vinaigre
  • appliquer du bicarbonate de soude
  • bain d’eau chaude
  • application de glace
  • application de mousse à raser
  • gratter avec une carte de crédit
  • etc.

Et parmi ces solutions il y a « uriner sur la zone atteinte ». Pas forcément la plus simple ni la plus sympathique pour le blessé et le sauveteur (on imagine plus facilement que le sauveteur soit un homme dans ce cas précis).

Alors, est-ce qu’une de ces solutions a scientifiquement démontré qu’elle était efficace, autrement que par des « un maître nageur m’a dit que » ou « quelqu’un m’a certifié que pour lui ça avait marché » ou « dans le sud on a toujours fait comme ça », etc. ?

Une revue systématique de la littérature a été publiée en décembre 2013 par Li L et coll. (1), dans le cadre de la très sérieuse revue Cochrane Cochrane La Collaboration Cochrane est un réseau international de plus de 28 000 personnes de plus de 100 pays. Elles travaillent ensemble pour aider les acteurs de santé, les décideurs, les patients et leurs soignants, à prendre des décisions éclairées sur les soins de santé, en préparant, mettant à jour, diffusant des revues Cochrane, publiées en ligne dans le Cochrane Database of Systematic Reviews, une division de la Cochrane Library. . Ils n’ont identifié que 7 études cliniques de qualité suffisante (mais parfois limitée) portant sur le traitement des piqûres de méduse, pour un total de 435 personnes participantes. Les études portaient sur des espèces différentes de méduses et comportaient des risques de biais biais En statistique, un biais est une démarche qui engendre des erreurs dans les résultats d’une étude.
Exemples de biais :
• Biais de sélection : les personnes sondées ne sont pas représentatives de la population générale
• Biais de mesure : les techniques de mesures sont incorrectes
• Biais de publication : les données sont davantage diffusées lorsqu’elle arrangent les auteurs de l’étude. Dans le passé, il était courant d’interrompre ou de ne pas publier une étude sur un médicament qui ne donnait pas les résultats espérés. Ainsi, la plupart des publications portant sur un médicament lui étaient-elles favorables. De nos jour, l’obligation de rendre publique tout essai thérapeutique a pour objectif de limiter ce biais.
• Biais d’un estimateur : la différence entre l’espérance de l’estimateur et la vraie valeur du paramètre estimé.
• Biais d’interprétation : erreur dans le mode d’analyse des résultats.
• etc.
. Les conclusions sont donc maigres et à prendre avec beaucoup de prudence, car ce qui semble marcher dans une étude pour une espèce de méduse, peut ne pas s’appliquer à d’autres (et il en existe des centaines) :

  • l’immersion dans l’eau chaude était plus efficace que les poches de glaces pour soulager la douleur dans deux études. Mais il n’y avait pas de différence entre eau chaude et glace concernant l’efficacité sur l’aspect de la lésion de la peau ;
  • l’application de vinaigre avait tendance à aggraver l’aspect de la peau comparativement au bain d’eau chaude.

Une autre publication (2) nous conforte dans la prudence en expliquant que le vinaigre peut être efficace en cas de piqûre par Chironex fleckeri (Australie), Physalia physalis (Portugal) et Alatina alata (Hawai), et au contraire peut aggraver les choses en déclenchant la décharge des poches à venin pour Chrysaora quinquecirrha, Cyanea capillata et aussi Pelagia noctiluca commune sur les côtes françaises. Cette même publication prend également ouvertement position en indiquant que, selon l’avis des auteurs, l’urine est inefficace et non recommandée.

Alors que peut-on faire ?

Il faut d’abord comprendre comment fonctionne la piqûre de méduse. Les méduses paralysent leurs minuscules proies en leur lançant de véritables seringues à venin.
Les tentacules présentent en effet des milliers de petites poches à venin, appelées « nématocystes ».
Après un contact avec la proie (notre jambe par exemple) des nématocystes sont libérés et se plantent dans la proie grâce à des "harpons" les empêchant de ressortir. Le poison contenu dans le nématocyste est injecté dans la proie. Tout ceci se passe de façon foudroyante.
Il y a donc trois objectifs logiques au traitement :

  • limiter l’injection de venin supplémentaire

o soit par des nématocystes encore plantés dans notre peau

o soit par les tentacules encore en contact avec notre peau

  • soulager la douleur liée au venin déjà injecté
  • surveiller le patient pour s’assurer qu’il ne déclenche pas une réaction importante.

Ce qui, appliqué aux espèces les plus communes sur les côtes françaises, pourrait donner les conseils suivants en cas de piqûre de méduse :

1. Retirer délicatement les tentacules encore présents sur la peau, si possible avec des gants ou éventuellement en raclant avec un bout de plastique ou de carton (mais les nématocystes resteront malgré tout plantés dans la peau)

2. Rincer la peau à l’eau de mer abondamment et pendant plusieurs minutes (pas à l’eau douce)

3. Baigner à l’eau chaude (pas brûlante, ≤42° C) pendant une vingtaine des minutes (3), par exemple sous la douche, la chaleur semble avoir un effet antalgique. Mais, contrairement à ce qu’on lit partout, il est peu probable que la chaleur en dessous de 50° détruise le venin. Si il n’y a pas d’eau chaude disponible, des poches de glace (si vous en avez…) constituent un plan B, mais n’allez pas geler la peau non plus, donc protégez la peau avec une serviette de bain (et ne vous séchez pas avec après !) ; le froid pourrait avoir le double effet de soulager la douleur et de ralentir la diffusion du venin, mais semble un peu moins efficace sur la douleur que le chaud. (3)

4. Désinfecter la peau touchée avec un antiseptique sans alcool (l’alcool semblerait stimuler les décharges des nématocystes)

5. Surveiller le blessé et appeler le 15 ou consulter au plus vite un professionnel de santé si la zone touchée est étendue ou si la personne est fragile ou présente des symptômes généraux.

En conclusion

Il n’y a pas beaucoup d’études sur l’efficacité des différentes mesures pour soulager une piqûre de méduse, et ce qui est valable en Australie ou aux USA ne l’est pas forcément en France (espèces de méduses très différentes). Mais aucune preuve n’existe sur l’efficacité de l’urine, alors que l’eau de mer semble éventuellement efficace. Alors, à vous de voir !

Niveau de preuve : FAIBLE

Sources :
1. Li L, McGee RG, Isbister G, Webster AC. Interventions for the symptoms and signs resulting from jellyfish stings. Cochrane Database Syst Rev. 2013 ;12:CD009688.
2. Honeycutt JD, Jonas CE, Smith RF. FPIN’s clinical inquiries : treatment of jellyfish envenomation. Am Fam Physician. 2014 ;89(10):Online.
3. Cegolon L, Heymann WC, Lange JH, Mastrangelo G. Jellyfish stings and their management : a review. Mar Drugs. 2013 ;11(2):523-50.

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