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mis à jour le 21 janvier 2018

Est-ce vrai qu’on meurt davantage en janvier ?

Est-ce qu’en France on meurt davantage certains mois que d’autres, et notamment en janvier ? C’est (assez) facile à vérifier, si on cherche au bon endroit.

C’est VRAI ! On meurt plus souvent en janvier, selon les statistiques officielles, et cela ne date pas d’hier.

Il semble qu’en matière de mortalité, tous les mois ne se ressemblent pas.
Si on observe la moyenne des décès en France sur 40 ans, le mois de janvier est toujours le mois où on enregistre le plus décès : environ 52 000 décès en janvier, contre 45 000 en moyenne chaque mois (voir figure 1).

Si on étudie plus précisément jour après jour, on observe une courbe régulière qui baisse de début janvier jusqu’à fin août, puis qui remonte progressivement jusqu’à fin décembre (voir figure 2). Les différences entre les mois ne sont donc pas liées au nombre de jours du mois en question (et on meurt moins en février qu’en janvier, même en ramenant la comparaison sur le même nombre de jours).

Le jour où on meurt le plus en France ? Le 2 janvier (1762 décès ce jour là en moyenne, contre environ 1450 par jour en moyenne annuelle, calculé à partir des données INSEE 1968-2016).
Le jour on on décède le moins ? Le 28 août (1308 morts quand même…).
Le jour on on a statistiquement 4 fois moins de risque de mourir ? Le 29 février, mais je vous laisse deviner pourquoi.

Quelle est l’explication de ce phénomène ?

Cet excès de décès serait directement lié au froid, qui serait globalement plus meurtrier que la chaleur. Selon un rapport de l’Institut de veille sanitaire, réalisé en 2004 par un groupe d’experts pluridisciplinaire, de nombreuses études mettent en évidence l’existence d’une courbe en V entre la température et la mortalité, avec une pente plus accentuée du côté des températures élevées que du côté froid (InVS 2004). Ce qui signifie qu’à des température très basses la mortalité est maximale, puis la mortalité diminue progressivement à mesure que la température monte, puis, quand on atteint des canicules, la mortalité remonte brutalement. Cependant, en chiffre absolu le froid est plus meurtrier que la chaleur.
Et les décès constatés avec le froid dépassent très largement les quelques décès annuels par hypothermie des sans-abri.
Une des explications est l’impact délétère du froid chez certaines personnes présentant des pathologies, telles que les maladies coronariennes, les accidents vasculaires cérébraux et les maladies respiratoires, dont la mortalité augmente de façon quasi linéaire à mesure que la température diminue. Ainsi, en janvier 1985, la France a connu une vague de froid sans précédent ayant entraîné une surmortalité importante (+13 %), principalement par infarctus du myocarde (+17 %), accidents vasculaires cérébraux (+54 %) et pneumonies (+208 %). (InVS 2004)
Les infections virales, et notamment la grippe, semblent également responsables d’un risque accru d’infarctus aigu du myocarde. Selon les résultats d’une étude publiée en 2018 dans le New England Journal of Medicine (Kwong JC, 2018), on observe une association significative entre les infections respiratoires virales (confirmées par des tests sanguins) et le risque d’être hospitalisé pour un infarctus aigu du myocarde dans les 7 jours. Les taux d’incidence de l’infarctus aigu du myocarde dans les 7 jours suivant la détection de la grippe B, de la grippe A, du virus respiratoire syncytial et d’autres virus étaient de 10,11 (IC 95%, 4,37 à 23,38) IC, 3,02 à 8,84), 3,51 (IC à 95%, 1,11 à 11,12), et 2,77 (IC à 95%, 1,23 à 6,24), respectivement. Le mécanisme par lequel les maladies virales respiratoires pourraient majorer le risque d’infarctus chez des patients à risque n’est pas certain : peut être par une augmentation de la consommation d’oxygène ou par l’état inflammatoire provoqué par la grippe.

Comme toujours, soyons prudents sur les conclusions des données épidémiologiques. Il y a beaucoup de biais biais En statistique, un biais est une démarche qui engendre des erreurs dans les résultats d’une étude.
Exemples de biais :
• Biais de sélection : les personnes sondées ne sont pas représentatives de la population générale
• Biais de mesure : les techniques de mesures sont incorrectes
• Biais de publication : les données sont davantage diffusées lorsqu’elle arrangent les auteurs de l’étude. Dans le passé, il était courant d’interrompre ou de ne pas publier une étude sur un médicament qui ne donnait pas les résultats espérés. Ainsi, la plupart des publications portant sur un médicament lui étaient-elles favorables. De nos jour, l’obligation de rendre publique tout essai thérapeutique a pour objectif de limiter ce biais.
• Biais d’un estimateur : la différence entre l’espérance de l’estimateur et la vraie valeur du paramètre estimé.
• Biais d’interprétation : erreur dans le mode d’analyse des résultats.
• etc.
et de facteurs de confusion possibles (peut être par exemple qu’un des facteurs importants pourrait être le taux de vitamine D qui chute en hiver, et le défaut de cette vitamine est associé à de nombreuses pathologies). Les chiffres de mortalité sont bien réels, mais l’explication reste plus incertaine.

En conclusion : restez bien au chaud chez vous le 2 janvier et faites les fous le 28 août (à condition, qu’il n’y ait pas de canicule ce jour là) !

Sources :
• INSEE. Démographie - Nombre de décès - France métropolitaine Séries chronologiques
Paru le : 03/01/2018 Identifiant 000436394 https://www.insee.fr/fr/statistiques/serie/000436394 (dernier accès le 21 janvier 2018)
• Les décès en 2016 en FranceÉtat civil - Insee Résultats https://www.insee.fr/fr/statistiques/3053193?sommaire=3053204&q=causes+de+d%C3%A9c%C3%A8s+france (dernier accès le 21 janvier 2018)
• Institut de veille sanitaire (InVS 2004). Froid et santé. Eléments de synthèse bibliographique et perspectives. Rapport d’investigation. Groupe de travail Météo France – Laboratoire Climat et Santé, Faculté de médecine de Dijon – Département santé environnement (DSE) de l’Institut de veille sanitaire – Cellules interrégionales d’épidémiologie (Cire).
• Kwong JC, Schwartz KL, Campitelli MA, et al. Acute Myocardial Infarction after Laboratory-Confirmed Influenza Infection. New England Journal of Medicine. 2018 ;378(4):345-53. PMID : 29365305 DOI : 10.1056/NEJMoa1702090

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