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mis à jour le 24 janvier 2016

Est-ce vrai que le pleine lune peut provoquer des insomnies ?

La pleine lune est associée à de nombreuses croyances, dont celle de donner des insomnies. Alors, histoire à dormir debout ou réalité scientifique ?

Réponse : à ce jour il y a davantage de preuves pour dire que c’est FAUX, même si une influence de la lune sur le sommeil a pu être rapportée dans certaines études, mais avec de faibles niveaux de certitude. Une étude clinique rétrospective a montré un effet de la proximité de la pleine lune sur le sommeil, mais les conclusions de cette étude ont été mises en doute par la suite par des résultats d’études rétrospectives portant sur de plus grands nombres de personnes.

La lune, et notamment quand elle est pleine, est entourée de croyances concernant ses effets sur notre organisme et notre santé. Parmi celles-ci, le fait qu’on dormirait moins bien en période de pleine lune. J’avoue que je suis moi-même confronté, une fois par mois, à une nuit de mauvais sommeil voire d’insomnie, et c’est très souvent à l’approche de la pleine lune. Hasard ou influence réelle de l’astre sur mon sommeil ?

Cajochen
 C et coll., du Centre de Chronobiology de l’Hôpital Psychiatrique de l’Unversité de Basel (Suisse) ont publié en 2013 les résultats d’une étude concernant les effets du cycle lunaire sur le sommeil (1).
Le plus surprenant dans cette article c’est qu’il s’agit d’un relecture de résultats d’une étude menée plusieurs années auparavant (2). Cajochen
 C et coll. indiquent que l’idée leur est venue un soir dans un bar, au moment de la pleine lune, de vérifier dans les données qu’ils avaient recueillies sur le sommeil si des paramètres étaient modifiés en fonction des phases de la lune.
C’est donc à la fois la force et la faiblesse de cette étude originale :

Néanmoins, les résultats méritent d’être rapportés : ils sont originaux et apportent peut être des éléments de réflexion sur l’influence de la lune sur notre sommeil.

17 volontaires sains jeunes (9 femmes, 8 hommes, âge médian 25,0 ans ± 3,6 ans) et 16 volontaires sains âgés (8 femmes, 8 hommes, âge médian 65,0 ans ± 5,5 ans) ont participé à une étude de 3,5 jours concernant les aspects circadiens de la régulation sommeil/veille.
En analysant à nouveau les données recueillies à l’époque, les auteurs ont trouvé une relation entre la proximité de la pleine lune et des changements significatifs de certains paramètres :

  • Diminution de 30 % de l’activité delta sur l’encéphalogramme (EEG), un indicateur de la profondeur du sommeil, pendant le sommeil NREM (stade du sommeil sans mouvements oculaires rapides).
  • Augmentation de 5 minutes de la durée d’endormissement.
  • Diminution de 20 minutes de la durée totale du sommeil (basée sur l’étude de l’EEG).
  • Ces changements étaient associés à une moins bonne qualité de sommeil ressentie par les sujets étudiés. La sécrétion de mélatonine était également abaissée au moment de pleine lune.

Les phases de lune étaient définies comme suit par les chercheurs :

  • Classe 1 : pleine lune ± 4 nuits
  • Classe 2 : pleine lune ± 5-9 nuits (lunes montantes et descendantes)
  • Classe 3 : lune nouvelle = pleine lune ± 10-14 nuits

Au total, les auteurs concluent donc à une influence de la proximité de la pleine lune sur la qualité et la durée du sommeil.
Vous trouverez ci-dessous un extrait de la très belle courbe publiée dans l’article où on voit bien l’évolution du sommeil parallèlement aux phases de la lune.

Mais, comme tous les lecteurs de estcevrai.fr le savent, on ne peut pas tirer de conclusions tranchées à la lecture d’une seule étude, surtout portant sur un si petit nombre de patients et - qui plus est - non conçue au départ pour étudier le sujet de la lune.

En 2014, Cordi M et coll. publient les résultats de leur propre recherche, effectuée dans des conditions assez proches de celles de Cajochen
 C, mais cette fois en utilisant une base de données considérablement plus grande (3).
Ils ont ré-analysé les mêmes paramètres, selon les même phases lunaires, sur 3 grands échantillons d’enregistrement du sommeil :

  • Deux échantillons du Max Planck Institute of Psychiatry (Munich) portant sur 470 et 757 enregistrements de sommeil.
  • Un échantillon de 870 enregistrements provenant de l’université de Basel (Suisse).

Leur constatation est totalement différente : aucun des paramètres étudiés ne varie de façon statistiquement significative selon les phases lunaires.
Cordi M et coll. suggèrent donc que l’étude de Cajochen
 C présente des biais biais En statistique, un biais est une démarche qui engendre des erreurs dans les résultats d’une étude.
Exemples de biais :
• Biais de sélection : les personnes sondées ne sont pas représentatives de la population générale
• Biais de mesure : les techniques de mesures sont incorrectes
• Biais de publication : les données sont davantage diffusées lorsqu’elle arrangent les auteurs de l’étude. Dans le passé, il était courant d’interrompre ou de ne pas publier une étude sur un médicament qui ne donnait pas les résultats espérés. Ainsi, la plupart des publications portant sur un médicament lui étaient-elles favorables. De nos jour, l’obligation de rendre publique tout essai thérapeutique a pour objectif de limiter ce biais.
• Biais d’un estimateur : la différence entre l’espérance de l’estimateur et la vraie valeur du paramètre estimé.
• Biais d’interprétation : erreur dans le mode d’analyse des résultats.
• etc.
, notamment en raison du faible nombre de personnes étudiées. Ainsi, dans l’étude de Cajochen
 C, on constate qu’il y a presque 3 fois plus de sujets âgés dans le groupe « pleine lune » (n=15) que dans le groupe « lune montante ou descendante » (n=6). C’est un biais biais En statistique, un biais est une démarche qui engendre des erreurs dans les résultats d’une étude.
Exemples de biais :
• Biais de sélection : les personnes sondées ne sont pas représentatives de la population générale
• Biais de mesure : les techniques de mesures sont incorrectes
• Biais de publication : les données sont davantage diffusées lorsqu’elle arrangent les auteurs de l’étude. Dans le passé, il était courant d’interrompre ou de ne pas publier une étude sur un médicament qui ne donnait pas les résultats espérés. Ainsi, la plupart des publications portant sur un médicament lui étaient-elles favorables. De nos jour, l’obligation de rendre publique tout essai thérapeutique a pour objectif de limiter ce biais.
• Biais d’un estimateur : la différence entre l’espérance de l’estimateur et la vraie valeur du paramètre estimé.
• Biais d’interprétation : erreur dans le mode d’analyse des résultats.
• etc.
important, car justement les sujets âgés ont généralement un moins bon sommeil que les sujets jeunes !
Cajochen
 C et coll. pensaient observer les effets de la lune sur le sommeil, mais ils ont peut-être observé par erreur les effets de l’âge…

Cordi M et coll. ont également fait la synthèse des différentes conclusions tirées des analyses de sommeil par différentes équipes de chercheurs. En synthèse, ils disent retrouver :

  • 8 échantillons portant sur un total de 23 600 nuits étudiées, indiquant qu’il n’y a aucun lien entre les phases lunaires et les données d’enregistrement du sommeil.
  • 2 échantillons portant sur un total de 1 209 nuits étudiées qui, eux, concluent à un effet du cycle lunaire sur le sommeil.

Une autre étude, publiée en décembre 2015 par Della Monica C et coll. porte sur l’analyse rétrospective d’enregistrement du sommeil de 205 sujets sains (91 hommes et 114 femmes ; âge médian = 47,47 ans ±19,01 ; plage : 20-84 ans) ayant participé à deux études au centre de recherche clinique du Surrey (4). Au total, l’étude ne retrouve aucun effet important significatif de la phase lunaire sur la quantité et la qualité de sommeil. Cependant, l’analyse par sexe semble montrer un effet de la phase lunaire sur le sommeil différent chez les femmes et chez les hommes.

Alors que conclure ?

Il ne semble pas vraiment possible à ce jour d’affirmer, avec des preuves correctes, que la lune influence le sommeil et surtout de quelle manière exacte et qui est concerné.
Il faudra attendre que de multiples équipes de chercheurs étudiant le sommeil ré-examinent toutes les données qu’ils ont enregistrées (et les publient), mais aussi qu’une équipe mette en place une étude spécialement conçue pour évaluer le phénomène.

PS : Ça n’empêche pas que j’ai toujours l’impression de mal dormir à l’approche de la pleine lune, mais c’est peut être juste parce que je la vois de la fenêtre de ma chambre et que je ne ferme jamais les volets ? Allez savoir…

Niveau de certitude : FAIBLE

Références :

1. Cajochen C, Altanay-Ekici S, Munch M, Frey S, Knoblauch V, Wirz-Justice A. Evidence that the lunar cycle influences human sleep. Current biology : CB. 2013 ;23(15):1485-8.
2. Cajochen C, Munch M, Knoblauch V, Blatter K, Wirz-Justice A. Age-related changes in the circadian and homeostatic regulation of human sleep. Chronobiology international. 2006 ;23(1-2):461-74.
3. Cordi M, Ackermann S, Bes FW, Hartmann F, Konrad BN, Genzel L, et al. Lunar cycle effects on sleep and the file drawer problem. Current biology : CB. 2014 ;24(12):R549-50.
4. Della Monica C, Atzori G, Dijk DJ. Effects of lunar phase on sleep in men and women in Surrey. Journal of sleep research. 2015 ;24(6):687-94.

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