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mis à jour le 7 février 2020

L’énigme du suppositoire : dans quel sens doit-on l’introduire ?

Bien que le sens commun – ainsi que certaines notices d’utilisation – soit en faveur d’une insertion par le bout le plus pointu, des voix scientifiques s’élèvent et lancent un vibrant appel à l’insertion par l’autre bout.
Estcevrai.fr saura-t-il nous délivrer de ce dilemme angoissant ?

Le suppositoire est une forme galénique qui s’administre par un orifice naturel. Il existe des suppositoires rectaux et vaginaux, nous parlerons ici de la première catégorie.
Le suppositoire rectal est une façon d’administrer des substances médicamenteuses qui pourront agir soit localement (traitement de certaines affections ano-rectales), soit dans tout l’organisme après avoir diffusé à travers les vaisseaux ano-rectaux.

Schématiquement, un suppositoire comporte deux extrémités : un bout arrondi (ou parfois légèrement pointu) et une extrémité plus plate ou comportant un léger renfoncement.
Cette forme évoque celle d’une torpille ou d’une fusée et le sens commun semble nous suggérer qu’il faut effectivement pointer le bout arrondi dans la direction visée.
De toute façon, l’utilisateur est bien obligé de faire selon son instinct, puisque les notices (du moins celles disponibles en France), ne précisent pas le sens d’introduction. Elles sont toutes sur un modèle similaire, qui indique (1) :

  • Mode d’administration : Voie rectale.
  • COMMENT PRENDRE (XXXX), suppositoire ? Instructions pour un bon usage : Sans objet.

Dans une revue de la littérature de 2007 consacrée au sujet du sens d’insertion des suppositoires, Ann Bradshaw relève le fait que les fabricants de suppositoires recommandent généralement l’insertion par la pointe, seule méthode officiellement approuvée et utilisée dans les essais cliniques.(2)

Et pourtant, une équipe égyptienne a semé la confusion en 1991 en publiant dans le Lancet un article suggérant d’introduire les suppositoires dans l’autre sens ! (3) En effet, à quoi servent, selon les auteurs, nos efforts d’introduction, si le suppositoire est aussitôt expulsé par la pression anale pesant sur l’embout effilé, tel un noyau de cerise qu’on pince entre nos doigts et qui fuse brusquement ? (j’utilise une image qui n’est pas dans l’article).
[Vous trouverez dans les images jointes, ma tentative d’explication visuelle du phénomène]
La suggestion de cette étude de petite taille et à la méthodologie peu claire a été régulièrement reprise par d’autres auteurs, faute de mieux à se mettre sous la dent.
Ces chercheurs sont-ils seulement des plaisantins désireux de faire endurer à tous les amateurs de suppositoires les affres d’une insertion pénible ?

Quoi qu’il en soit, le mal était fait et, depuis, la communauté scientifique se déchire sur cet épineux problème qui oppose les petit-boutistes défenseurs du bon sens et les gros-boutistes qui retournent le problème.
Dans un article publié dans Nursing Time en 2009, Kyle G. conclut que si ce débat est vraiment important, alors il faudrait des études sérieuses pour guider notre choix, et qu’en l’état des connaissances actuelles c’est le bon sens qui seul peut guider notre façon de faire. (4)

Hélas, les patients font les frais de ce débat sans solution pratique et se trouvent seuls face au dilemme : une insertion facile, mais le risque d’une expulsion inopinée ; ou bien une rétention garantie, au prix d’une insertion qu’on envisage plus délicate ?

Arrêtons ici le suspens, voici une prise de position modérée, tirée du site internet d’un hôpital Londonien (5), qui nous paraît mettre un terme à ce débat :
« Suppositories are usually placed rounded end first. In some cases the suppository is expelled before medication is absorbed. If this is the case it has been suggested that placing the suppository blunt end first prevents the suppository from being expelled from the rectum (Abd-El Maeboud et al, 1991 ; Bradshaw and Price, 2007).”
Que je traduis par :
« Les suppositoires sont habituellement insérés la partie arrondie en premier. Dans certains cas, le suppositoire est expulsé avant que le médicament ne soit absorbé. Si c’est le cas, il a été suggéré qu’introduire le suppositoire avec la partie plus plate en premier empêche le suppositoire d’être expulsé par le rectum ».

Voilà une position pleine de bon sens.

Niveau de certitude : FAIBLE

Références :
1. ANSM - Notice ANUSOL, suppositoire - Mis à jour le : 11/08/2011.
2. Bradshaw A, Price L. Rectal suppository insertion : the reliability of the evidence as a basis for nursing practice. Journal of clinical nursing. 2007 ;16(1):98-103.
3. Abd-el-Maeboud KH, el-Naggar T, el-Hawi EM, Mahmoud SA, Abd-el-Hay S. Rectal suppository : commonsense and mode of insertion. Lancet. 1991 ;338(8770):798-800.
4. Kyle G. Should a suppository be inserted with the blunt end or the pointed end first, or does it not matter ? Nursing times. 2009 ;105(2):16.
5. Great Ormond Street Hospital. Helen Johnson et al. Administration of suppository.Clinical guidelines. Date approved :
04 October 2014 http://www.gosh.nhs.uk/health-professionals/clinical-guidelines/suppository-administration.

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